Les éoliennes, un vent de révolution énergétique
Vous avez déjà probablement aperçu une éolienne, que ce soit sur la route des vacances ou même peut-être pas très loin de chez vous. Certains y trouvent une esthétique futuriste, d’autres y voient uniquement une pollution visuelle.
Marc Schoeffel, rédaction Domotech
Avantages et inconvénients, nous allons explorer en profondeur les différents aspects des éoliennes telles que nous les connaissons, de leur fonctionnement à leur potentiel économique et présenter leur alternative verticale qui pourrait apporter un vent de fraîcheur dans le milieu.
Les éoliennes existent depuis plusieurs siècles, avec leurs origines remontant aux moulins à vent utilisés pour moudre le grain ou pomper de l'eau. Historiquement, ces structures étaient essentielles pour l'agriculture et l'industrie, en particulier dans des régions comme l'Europe du Nord, où le vent était une source d'énergie fiable et puissante. Les moulins à vent traditionnels ont pavé la voie aux premières éoliennes de pompage au 19ème siècle, en particulier aux États-Unis où elles ont été largement utilisées pour irriguer les terres arides des grandes plaines. Ces machines simples mais efficaces utilisaient la force du vent pour extraire l'eau des profondeurs du sol, rendant possible la culture de terres autrement inexploitables.
De nos jours, elles sont devenues une source d'énergie renouvelable essentielle dans notre quête de solutions durables pour répondre à nos besoins énergétiques. Comprendre leur fonctionnement est crucial pour apprécier leur rôle dans la transition énergétique. Leur fonctionnement repose sur des principes physiques simples, mais leur conception et leur utilisation sont le fruit d'années de recherche et d'innovation technologique.
Comment les éoliennes captent-elles et convertissent-elles l'énergie cinétique du vent en électricité ? Il faut savoir qu’il existe deux types d’éoliennes : les éoliennes à axe vertical et les éoliennes à axe horizontal. Nous allons d’abord nous attarder sur le fonctionnement de celles que l’on retrouve le plus couramment, les éoliennes à axe horizontal, ou HAWT (Horizontal Axis Wind Turbine).
Comment fonctionne une éolienne à axe horizontal ?
Le vent et les pales
Les éoliennes possèdent généralement trois grandes pales montées sur un rotor. Lorsque le vent souffle, il exerce une force sur les pales, les faisant tourner. Cette rotation est due à la forme des pales, conçues pour capter le maximum d'énergie du vent. Plus le vent est fort, plus les pales tournent rapidement. Pour démarrer, une éolienne nécessite une vitesse de vent minimale d’environ 11 à 15 km/h et s’arrête automatiquement de fonctionner lorsque le vent dépasse 90 km/h, pour des questions de sécurité. À ce moment-là, les pales sont ajustées dans un angle qui réduit leur prise au vent, l’éolienne s’arrête alors d’elle-même. Si l'ajustement de l'angle des pales n'est pas suffisant pour ralentir la turbine, un frein mécanique peut être appliqué pour stopper physiquement la rotation du rotor.
Le rotor et l'arbre
Le rotor est connecté à un arbre (axe) qui tourne en même temps que lui. L'énergie mécanique générée par cette rotation est transmise le long de cet arbre jusqu'à une boîte de vitesses.
La boîte de vitesses
La boîte de vitesses est un mécanisme qui ajuste la vitesse de rotation de l'arbre. Les pales tournent généralement à une vitesse de 10 à 20 tours par minute (tr/min), ce qui est insuffisant pour produire de l’électricité. La boîte de vitesses multiplie la vitesse de l’arbre à l’entrée par plus de 100 pour que l’arbre à la sortie de la boîte de vitesse tourne à une vitesse allant jusqu’à 1500 tr/min, permettant ainsi de produire de l’électricité efficacement.
La génératrice
L'arbre rapide sortant de la boîte de vitesses est relié à une génératrice. Cette génératrice fonctionne de manière similaire à une dynamo de vélo : lorsque l'arbre tourne, il fait tourner un ensemble d'aimants autour d'une bobine de fil de cuivre, ce qui génère un courant électrique grâce à l'induction électromagnétique.
Le transformateur
La génératrice produit du courant alternatif qui doit être adapté aux besoins du réseau électrique dans lequel il sera injecté. Un transformateur situé à la base de l'éolienne convertit cette électricité à la bonne tension pour qu'elle puisse être utilisée dans l’industrie et l’habitat.
De plus, pour maximiser le rendement, les éoliennes modernes sont équipées de plusieurs systèmes de contrôle sophistiqués:
L'orientation de l'éolienne: Le système de contrôle ajuste continuellement l'orientation de l'éolienne afin que les pales soient toujours face au vent. Ce mécanisme, appelé yaw control, est crucial pour capturer le maximum d'énergie du vent.
L'inclinaison des pales: Les pales peuvent également changer leur angle d'inclinaison par rapport au vent. Ce système, appelé pitch control, permet d'ajuster la vitesse de rotation et de protéger l'éolienne en cas de vents trop forts, comme nous l’avons vu plus tôt.
À titre indicatif, une seule éolienne de 2MW produit environ 4 000 MWh par an, soit l’équivalent de la consommation en électricité de plus de 800 foyers. En Suisse, la longueur des pales varie de 40 à 60 mètres pour une hauteur totale pouvant avoisiner 150 mètres.
Les avantages
Les éoliennes proposent une énergie renouvelable et inépuisable, en n’émettant aucun gaz à effet de serre, contribuant ainsi à la lutte contre le réchauffement climatique. Elles peuvent également réduire la dépendance aux importations d’énergie. En produisant de l'électricité localement, les pays peuvent améliorer leur sécurité énergétique et stabiliser leurs coûts énergétiques. On dit de l’éolien qu’il permet la production électrique la moins chère. Il couvre actuellement entre 17 % et 20 % des besoins en électricité en Europe. À titre de comparaison, l’éolien représente actuellement 0,3% de l’électricité consommée en Suisse.
Les limites
Un parc éolien nécessite beaucoup d’espace et des conditions de vent propices à son exploitation. L'un des principaux inconvénients des éoliennes est leur dépendance aux conditions météorologiques. Le vent ne souffle pas toujours à des vitesses suffisantes pour produire de l'électricité, ce qui peut entraîner des fluctuations dans la production. De plus, les éoliennes peuvent être perçues comme inesthétiques et bruyantes par les populations locales. Leur présence peut altérer les paysages naturels et provoquer des nuisances sonores, bien que des efforts soient faits pour minimiser ces impacts. Il faut également noter que leur installation nécessite un investissement initial important. Bien que les coûts d'exploitation et de maintenance soient relativement faibles, le financement initial peut être un obstacle pour certaines communautés ou pays. Pour finir, les éoliennes peuvent avoir des effets négatifs sur la faune, notamment les oiseaux et les chauves-souris, qui peuvent entrer en collision avec les pales en rotation.
L’alternative, l’éolienne à axe vertical
Il existe un autre type d’éoliennes, celles à axe de rotation vertical, ou VAWT (Vertical Axis Wind Turbine). Contrairement aux éoliennes traditionnelles, les VAWT ont leur axe de rotation perpendiculaire au sol. Cette configuration permet à ces éoliennes de capter le vent venant de n'importe quelle direction, éliminant le besoin d'un mécanisme de direction pour orienter les pales face au vent.
Les éoliennes à axe vertical peuvent prendre différentes formes, telles que la turbine de type Darrieus et la turbine de type Savonius :
La turbine Savonius utilise des formes en "S" ou des cylindres demi-circulaires pour capturer la force du vent. Elle fonctionne par la force de traînée, exploitant la différence de pression pour faire tourner la turbine.
La Turbine Darrieus utilise des pales droites ou courbées fixées à l’axe central. Elles génèrent de l'énergie via l'effet lift, semblable aux ailes d'un avion.
Les VAWT offrent plusieurs avantages significatifs. Elles sont moins bruyantes, moins dangereuses pour la faune aviaire, et peuvent être installées plus proches les unes des autres, permettant une densité énergétique plus élevée. De plus, elles s'adaptent mieux aux variations de la direction du vent grâce à leur conception verticale, ce qui les rend particulièrement efficaces dans des environnements où le vent est turbulent et changeant.
Le décrochage dynamique : un problème majeur
Malgré ces avantages, les éoliennes à axe vertical souffrent d'un problème majeur qui limite leur adoption à grande échelle : le décrochage dynamique. Ce phénomène complexe se produit quand l'angle entre la pale et le vent excède une valeur critique, provoquant la formation de tourbillons à l’avant des pales de l’éolienne. Ces tourbillons, similaires à ceux que l'on peut observer dans le fond d'une baignoire, créent une zone de basse pression qui peut augmenter la production d'énergie. Cependant, lorsque ces tourbillons deviennent trop importants, ils se séparent des pales, ce qui entraine une diminution drastique de la production d'énergie. De plus, les forces chaotiques générées par le décrochage dynamique provoquent des vibrations importantes qui peuvent endommager les structures des éoliennes. Cela réduit leur durée de vie à environ une dizaine d'années, bien en deçà des 25 à 30 ans attendus pour les éoliennes traditionnelles. Ce manque de durabilité dissuade les banques et les assureurs de financer et d'assurer ces projets, limitant ainsi leur déploiement.
Une solution suisse qui changera la donne ?
Pour pallier à ce problème majeur, Windworks, une start-up de l’EPFL fondée par Sébastien Le Fouest et Daniel Fernex, a développé un système de contrôle de l’orientation des pales de l’éolienne à axe vertical de type Darrieus H. Des capteurs installés directement sur les pales mesurent en temps réel les conditions de vent, permettant au système de contrôle d'ajuster leur orientation pour optimiser la production d'énergie et réduire les vibrations. Sébastien Le Fouest compare le contrôle de l’orientation des pales aux voiles d’un navire : « imaginez que je vous invite à faire un tour sur mon voilier sur le lac. Si je vous dis que le voilier est en bon état mais que je ne peux pas bouger la voile, vous refuseriez probablement, car nous ne pourrions ni partir ni revenir. Ce que nous avons fait, c'est installer une voile qui bouge et un cerveau, un capitaine finalement, qui ajuste la voile en fonction des changements des conditions de vent. Ainsi, nous optimisons en permanence l'orientation de la voile pour atteindre un objectif que nous pouvons définir ensemble. »
Rendement multiplié par trois
Testé sur une éolienne verticale en laboratoire, la mise en place du système de contrôle innovateur a permis de tripler le rendement énergétique de cette éolienne et de réduire les vibrations de 70 % lors de vents excessifs. Ces améliorations significatives pourraient faire des éoliennes à axe vertical une alternative viable et compétitive face aux éoliennes traditionnelles. « Nous sommes en train d’installer nos technologies sur un prototype industriel développé par Agile Wind Power AG », explique Sébastien Le Fouest. Il s’agit d’un constructeur d’éoliennes zurichois, avec lequel l’équipe de Windworks travaille en étroite collaboration.
À la suite d’un cas d’étude réalisé par la start-up à Daillens, dans le canton de Vaud, le système développé par Windworks a permis un rendement 4 fois supérieur à celui d’une éolienne classique, et 2 fois supérieur à celui d’une éolienne à axe de rotation vertical sans système contrôle. Leur technologie permet également une durée de vie de l’éolienne similaire voire supérieure par rapport aux éoliennes horizontales, c’est-à-dire aux alentours de 25 ans.
La question de la concurrence
Pour Sébastien Le Fouest, il n’est nulle question de concurrence : « Notre objectif n'est pas de rivaliser avec les éoliennes traditionnelles. Là où elles peuvent être installées, elles resteront l'offre la moins chère, car leur technologie est plus simple et comporte moins de pièces en mouvement. Dans ces zones, elles seront toujours la meilleure solution. En revanche, dans les endroits où l'espace est limité, où il y a des contraintes sonores ou sociales, et potentiellement en mer, les éoliennes à axe vertical sont plus appropriées. »
La Suisse compte pour le moment une quarantaine d’éoliennes dans tout le pays, et en aura besoin de 3000 environ d’ici 2050 pour assurer sa souveraineté énergétique. Il poursuit son argumentation : « La demande d'énergie est si grande et l'écart à combler pour remplacer les énergies fossiles est si important que nous devons diversifier l'offre. Il est essentiel que toutes ces solutions différentes se développent en parallèle et soient testées. Ce n'est pas une question de compétition, mais plutôt d'une approche collaborative pour réussir. »
Le futur de leur start-up
Le cœur du travail de l’équipe de Sébastien Le Fouest réside dans son système de contrôle innovant des éoliennes. Cependant, leur ambition va au-delà. Ils souhaitent participer à la démocratisation de cette technologie en apportant leur expertise à ceux qui construisent déjà des éoliennes, tout en développant leur propre offre de leur côté. Grâce à leur technique de contrôle, ils peuvent réduire les coûts, rendant ainsi l’énergie éolienne plus accessible. En se concentrant sur des solutions adaptées au niveau industriel et communal, ils cherchent à démocratiser l’accès à l’énergie éolienne, permettant à diverses entités de bénéficier d'une source d'énergie durable et indépendante. Cette approche pourrait transformer le paysage énergétique en rendant l’énergie éolienne plus viable pour un large éventail d’utilisateurs.
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Source du texte: Marc Schoeffel
Source de l'image: zVg
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