L'hydraulique a plus d'un tour dans ses turbines
L’eau nous fournit une énergie qui n'a pas encore déployé tout son potentiel. La recherche vise aussi à exploiter au mieux les infrastructures existantes.
Auteur : Anne-Muriel Brouet
Délaissée à la fin du siècle dernier, submergée par le nucléaire et des prix de l’électricité très bas, la force hydraulique est aujourd’hui la mère de toutes les énergies renouvelables. Assurant 15% de la production d’électricité mondiale, elle occupe la première place des sources décarbonées. En Suisse, elle devance même toutes les autres avec une part de près de 53%. Elle est aussi appelée à jouer un rôle déterminant dans un système mondial zéro énergie nette: l’Agence internationale de l’énergie estime que pour y parvenir, il faudra doubler la puissance hydraulique, aujourd’hui de 1400 GW, d’ici à 2050.
L’atout principal de l’or bleu est la flexibilité: non seulement les centrales produisent de l’électricité à la demande, mais encore elles peuvent favoriser l’intégration des autres énergies renouvelables, en stockant leurs excédents à travers le pompage-turbinage. «L’hydraulique permet d’augmenter la capacité de production et de stockage des renouvelables et ainsi d’avoir plus de solaire et plus d’éolien», résume Elena Vagnoni, cheffe de projets à la Plateforme des machines hydrauliques (PTMH) de l’EPFL. Créé en 1969, ce laboratoire est devenu un centre d’excellence dans la recherche et le développement des machines hydrauliques. Il a notamment acquis une expertise unique au monde pour tester et certifier des installations hydrauliques.
Un changement de paradigme
«Au départ, les machines hydroélectriques n’étaient pas conçues pour la flexibilité nécessaire aux réseaux actuels, mais pour opérer avec un maximum d’efficacité», rappelle Mario Paolone, directeur de la PTMH. «Ce changement de paradigme implique une conception et une exploitation des machines complètement différentes. On ne peut évidemment pas se permettre de changer le parc existant. Il faut donc trouver des solutions pour le rétrofiter les centrales hydroélectriques existantes et mieux concevoir les futures.»
« Nous étudions des méthodes pour rénover les installations afin qu’elles soient plus respectueuses de la faune et de la flore, et résistent mieux aux effets, liés au climat, des augmentations et diminutions d’eau » — Elena Vagnoni, cheffe de projets à la Plateforme des machines hydrauliques de l’EPFL
Dans ce contexte, l’EPFL a mené le plus grand projet européen sur l’hydraulique, XFLEX Hydro, qui vient de se terminer. «Nous avons développé une série de technologies pour maximiser la flexibilité de la ressource hydraulique sans impacter le coût de l’aménagement et de maintenance», détaille Elena Vagnoni. Ce travail inclut l’optimisation de l’emploi des machines hydrauliques, une meilleure compréhension des stress subis par les machines vis-à-vis des conditions de fonctionnement fortement dynamiques, la mécanique des fluides ou le contrôle des flux.
Gagner quelques mégawatts
Exemple: en principe, une centrale de pompage-turbinage opère l’un ou l’autre de manière séquentielle. Les turbines tournent pour produire de l’électricité tandis que les pompes s’activent pour remonter l’eau et la stocker dans un bassin supérieur quand la production d’électricité est supérieure à la demande. Pour passer de l’un à l’autre, soit inverser les machines, il faut en général un certain temps qui peut se compter en dizaines de minutes. Pour accroitre la flexibilité, les scientifiques ont éprouvé des «courts-circuits hydrauliques», permettant au pompage et au turbinage de fonctionner en même temps. «On peut ainsi notamment inverser le flux instantanément, comme dans une batterie. Nous l’avons testé avec succès dans plusieurs centrales en Europe», se réjouit Mario Paolone.
Pour gagner quelques mégawatts de puissance, nombre de pistes sont explorées. «C’est toujours mieux que de dépendre d’une électricité étrangère au charbon», justifie Elena Vagnoni. Cela passe par exemple par l’augmentation de la capacité de stockage en installant du pompage là où il n’y en a pas encore, le test de microturbines dans les canalisations pour alimenter un hameau, l’étude de la fatigue du système, une meilleure gestion des sédiments, la numérisation des opérations de monitorage, de maintenance et des plans de production, une planification plus fine ou l’étude de phénomènes physiques encore obscurs.
Enfin, l’aspect environnemental reste aussi important. «Nous étudions des méthodes pour rénover les installations afin qu’elles soient plus respectueuses de la faune et de la flore, et résistent mieux aux effets, liés au climat, des augmentations et diminutions d’eau», souligne la chercheuse.
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Source du texte: EPFL
Source de l'image: EPFL
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