Notre série sur la formation professionnelle « Ton avenir » (partie 6)
Dans l’entreprise Climeco AG à Berne, on prend du temps pour accompagner les stagiaires. La valorisation de la jeune génération n’est pas un vain mot. L’époque où l’on utilisait les apprentis comme coursiers est révolue. Et les femmes trouvent elles aussi la voie de la technique du bâtiment.
Texte: Antonio Suárez, Photos: Annette Boutellier
Dans la Statthalterstrasse, dans la partie sud de Berne-Bümpliz, deux maisons jumelées et six maisons mitoyennes sont construites par une société immobilière privée. Les huit propriétés à trois étages sont réalisées en construction massive de béton et maçonnerie, la façade étant habillée par de fines lamelles en bois verticales. Les habitations disposent chacune de deux raccordements pour les lavabos individuels et les douches, ainsi que d’un raccordement pour le lave-vaisselle et le lave-linge. Sanja Schroll, future projeteuse en technique du bâtiment sanitaire auprès du bureau d’ingénieurs en technique du bâtiment indépendant bernois Climeco AG est chargée de la planification des installations sanitaires. «Avec mon formateur, j’ai tout dessiné, des conduites de base à la distribution des étages», déclare la jeune femme de 20 ans qui bouclera sous peu sa troisième année d’apprentissage sur les quatre années prévues. « Dans ce cas de figure, les acheteurs des logements individuels choisissent eux-mêmes l’emplacement de leur cuisine. Nous devons pour cette raison, planifier trois variantes différentes. »
PAS DE TEMPS MORT DEPUIS LA CREATION
Sanja Schroll a parfois besoin de l’aide de son maître d’apprentissage, Thomas Stöckli, pour améliorer les détails de la planification en 3D ou pour rédiger des demandes d’offre. Ce responsable de projet sanitaire fait partie du personnel pratiquement depuis la création de l’entreprise à l’été 2017. Celle-ci compte désormais 16 personnes. En l’espace de six ans, le bureau d’ingénieurs s’est fait une place dans un marché qui couvre Berne et sa région et qui s’étend parfois jusqu’à Bâle, Lucerne et Zurich. Entre-temps, l’entreprise couvre un large segment de clientèle qui va des maisons individuelles et des lotissements, aux bâtiments commerciaux et professionnels. Les corps de métier chauffage, ventilation, climatisation et sanitaire sont traités en interne, alors que la planification électrique est généralement confiée à une entreprise partenaire externe. Climeco occupe une partie de l’étage d’un bâtiment commercial, dans une zone industrielle aux abords de Berne. « Notre dimension permet de réagir de manière relativement flexible et rapide », souligne Thomas Stöckli en parlant des avantages pour une entreprise d’être petite. Il est vrai que certains grands projets ne peuvent pas être menés à bien, mais il est d’autant plus facile de répondre aux besoins des clients.
Les affaires tournent bien, malgré la hausse des taux d’intérêt hypothécaires. Le volume de contrats est constamment élevé. Depuis la création de l’entreprise, il n’y a pas eu de temps mort, confirme Thomas Stöckli. Outre les maisons individuelles mitoyennes à Bümpliz, le bureau d’ingénieurs planifie actuellement une tour d’habitation de 23 étages datant des années soixante-dix dans le même quartier qui fera l’objet d’une rénovation totale. En outre, l’entreprise participe à un projet de construction de 180 nouveaux logements sur le site d’une ancienne grande boucherie dans l’ancien Meinen-Areal, près de l’Eigerplatz. L’entreprise prévoit également d’aménager divers emplacements de magasins pour les détaillants Coop et Migros. Actuellement, un bâtiment commercial à Deisswil figure également dans le carnet de commandes.
Une gestion des ressources exigeante
Si une entreprise peut réagir rapidement à un changement de situation d’un contrat, dans le secteur du bâtiment, c’est une entreprise qui dispose, de manière générale, de bonnes cartes en main. Les projets de construction peuvent s’enliser pour diverses raisons, s’il manque par exemple des investisseurs ou des permis de construire. Une gestion prudente des ressources peut s’avérer payante dans ces circonstances. Thomas Stöckli sait d’expérience qu’il faut toujours avoir un plan B sous le coude. « Car il peut toujours y avoir un imprévu », dit-il. C’est pourquoi, la répartition des ressources est pour lui l’une des tâches les plus exigeantes. Il y a deux planifications chez Climeco: une planification de la charge de travail à plus long terme, pour une période de six mois environ et une planification des ressources à plus court terme, dans laquelle les commandes sont attribuées pour les deux semaines à venir. La coordination se fait lors d’une réunion hebdomadaire.
Autour de la table, il y a aussi Vanessa Karaqi qui termine bientôt son cursus en tant que projeteuse en technique du bâtiment, orientation sanitaire. « Notre équipe se réunit le lundi. Nous déterminons ce que nous devons finir en termes de délais durant cette semaine » déclare-t-elle. Elle ne parle de son employeur qu’en termes élogieux: « Le travail d’équipe fonctionne très bien ici. Nous nous côtoyons sur un pied d’égalité et les maîtres d’apprentissage sont très dévoués. » Emanuel Mock, directeur et coproporiétaire, est le maître d’apprentissage de Vanessa Karaqi. Pour cette stagiaire originaire d’Albanie, il ne s’agit pas du premier apprentissage. Cette jeune femme de 20 ans est arrivée chez Climeco pour sa dernière année d’apprentissage.
L’accompagnement prend du temps
Chez Climeco, on a conscience de l’importance du facteur temps dans l’accompagnement des apprentis. Thomas Stöckli a suivi une formation diplômante de huit jours spécialement en ce sens. La formation lui a permis d’acquérir une meilleure compréhension de la valeur du temps. « Il est impossible d’accompagner les apprentis, juste comme ça en parallèle » il le sait. « Il faut les valoriser, car ils passent généralement quatre années chez nous. » Au centre de formation, Thomas Stöckli a essentiellement appris ce qu’il ne faut pas faire: « Autrefois, il était courant dans le secteur de la construction d’employer des apprentis comme coursiers. Pour par exemple chercher le casse-croûte de neuf heures ou le café », explique le directeur de projet. « De nos jours, il n’en est pas question bien sûr. »
Dans l’accompagnement des adolescents, il est primordial d’aborder le métier en douceur. Les jeunes arrivent directement de l’école dans le secteur privé, dans un marché en partie concurrentiel, où l’on parle un autre langage, souligne Thomas Stöckli. « C’est la raison pour laquelle, il faut les adapter doucement à cet environnement. » Un bon nombre de jeunes ne se seraient pas encore débarrassés de leur timidité. C’est pourquoi il faut veiller à ne pas les confronter d’emblée à des chefs de chantier sévères. Il faut les faire sortir un peu de leur réserve. Car ils seront en contact avec des architectes et les autorités. C’est quelque chose qu’il faut leur apprendre » déclare Thomas Stöckli.
La famille comme point de départ
L’entreprise a eu la main heureuse lors de la procédure de sélection. Pour l’instant personne n’a interrompu son apprentissage. Outre de bonnes notes en mathématiques et en physique, la maîtrise des médias numériques et l’intérêt pour la technique sont des critères importants lors de la sélection. Le recrutement s’effectue via la plateforme pour la formation professionnelle Yousty.ch et via les portails web des centres d’information et d’orientation. Climeco publie aussi les places d’apprentissage vacantes sur son propre site internet. En revanche, la gestion des médias sociaux en est encore à ses balbutiements. L’entreprise est un peu trop petite pour cela et ne peut pas se permettre d’avoir un département marketing avec beaucoup de main d’œuvre. Le stage d’observation classique de trois jours suffirait généralement pour se faire une idée fiable de l’aptitude d’un candidat.
La manière dont les futurs apprentis découvrent le métier de projeteur en technique du bâtiment peut être très différente. Dans le cas de Sanja Schroll, c’est un enseignant qui lui a indiqué cette possibilité en 10ème classe. Pour Vanessa Karaqi, c’était par contre la famille. Son père est monteur en chef en sanitaire et connaissait les multiples facettes du secteur de la construction, où le travail de bureau est aussi demandé et pas seulement la force musculaire. Le degré de notoriété du métier de projeteur peut néanmoins encore être amélioré, c’est en tout cas l’expérience de Vanessa Karaqi: « Je trouve cela dommage que beaucoup d’élèves ne savent pas que le métier de projeteur en technique du bâtiment existe », dit-elle. « Dans le secteur du sanitaire, on pense automatiquement à l’installateur, mais on ne pense pas qu’il faut aussi les projeteurs dans cette branche. J’en ai été consciente quand mon père m’en a parlé. » Dans son cas, ce n’est pas seulement son père qui a eu le rôle de modèle, mais aussi sa sœur de 5 ans son aînée qui travaille également chez Climeco.
Les rôles traditionnels
Vanessa Karaqi souhaiterait rester dans cette entreprise à l’issue de son apprentissage et éventuellement se lancer dans une formation continue plus tard. « Il était important pour moi de faire un apprentissage dans un métier qui me fait plaisir » explique-t-elle quant à son choix professionnel. « Je voulais trouver quelque chose qui soit bien pour mon avenir. Car, si j’ai des enfants plus tard, il me serait aussi possible de travailler à domicile. C’était très important pour moi. » La conciliation de la vie professionnelle et de la vie familiale est également un sujet de préoccupation dans le secteur de la construction. Pour remédier au manque notoire de personnel qualifié, il ne serait certainement pas inutile qu’à l’avenir, davantage de femmes trouvent des débouchés dans ce domaine traditionnellement masculin. Chez Climeco, deux des quatre apprentis sont des femmes. Et pour la prochaine année d’apprentissage, une jeune fille a déjà pu être recrutée, préférant un apprentissage professionnel au lycée. Pour un bureau d’ingénieurs, un tel taux reste plutôt exceptionnel.
C’est ce que confirme un coup d’œil sur le ratio entre les sexes à l’école professionnelle artisanale et industrielle de Berne. Dans son année de cursus, Sanja Schroll y est l’unique femme sur 18 élèves mise à part une camarade. « Dans notre classe, trois jeunes filles ont d’abord commencé. Ensuite, nous sommes passées à quatre. Mais depuis la troisième année, nous ne sommes plus que deux », déclare-t-elle. Le fait qu’elles ne soient pas plus nombreuses ne tient pas uniquement au fait qu’il y ait les disciplines MINT. Parfois, il s’agit tout simplement des images traditionnelles que se font les adultes sur les rôles. Dans le cas de Vanessa Karaqi, par exemple, ce sont les enseignants de l’école qui l’ont dissuadée de devenir architecte. « Ils m’ont dit que je n’y arriverai pas » se rappelle-t-elle. « Je trouve dommage qu’à l’école on nous ne montre pas toutes les possibilités professionnelles. » Les filles sont généralement encouragées à faire une carrière dans le commerce ou les soins, tandis que les garçons sont toujours favorisés dans le secteur de la construction.
Les femmes comme enrichissement
Avec la politique du personnel qu’elle applique, Climeco montre que cela peut être différent. Même sans discrimination positive et quota de femmes, plusieurs jeunes femmes ont récemment trouvé une place d’apprentissage dans l’entreprise bernoise. Thomas Stöckli y voit une chance: « Pour l’entreprise, c’est un enrichissement. Car les femmes apportent généralement de nouvelles approches de réflexion. Et on le remarque déjà. » Vanessa Karaqi pense elle aussi que les femmes apportent plus de changements dans les entreprises. Pour elle, la planification de la technique du bâtiment n’est pas un métier masculin. Cependant, à ses yeux, la société n’est pas la seule à devoir apporter sa contribution. Les femmes, elles aussi, devraient faire preuve de plus de courage et oser quitter leur zone de confort. « Ce n’est pas seulement dans le secteur de la médecine qu’il y a des métiers passionnants. Projeteur en technique du bâtiment est aussi un métier important. Car finalement, nous avons tous besoin d’eau potable. Et partout, les eaux usées doivent être évacuées » souligne Vanessa Karaqi qui, à la fin de l’entretien, porte un regard plein d’espoir vers l’avenir: « Dans notre secteur, les spécialistes sont très recherchés. Et on gagne bien sa vie. C’est pourquoi j’espère que dans les prochaines années, il y aura plus de femmes qui choisiront cette voie professionnelle. »
Projeteur/projeteuse en technique du bâtiment sanitair
Acquisition des connaissances
Apprentissage des composants et fonctions (transformation, distribution, sources) des installations sanitaires
Planification des installations sanitaires économes en énergie
Calcul des dimensions et coûts des installations
Surveillance du montage et de la mise en service
Élaboration des offres et des listes de matériel
Discours, exigences
Les campagnes actuelles sur la formation professionnelle mettent l’accent sur les perspectives variées et attrayantes offertes par le profil professionnel. Les jeunes sont directement touchés par le tutoiement; la curiosité devrait être éveillée et l’insécurité face à l’inconnu réduite.
Il est important d’avoir une capacité d’abstraction et de représentation spatiale ainsi qu’un intérêt pour le dessin technique, de même qu’une méthode de travail exacte. Dans ce métier, il est également souhaitable d’avoir le sens de la négociation, une touche d’organisation, de la persévérance et de l’autonomie. S’intéresser à la physique est également pertinent.
Formation en général
4 années de formation de base y compris stages dans le dépôt, dans l’atelier et sur le chantier avec chaque fois un jour en école professionnelle par semaine. Certificat après avoir suivi la procédure de qualification: Certificat fédéral de capacité «Projeteur/teuse en technique du bâtiment sanitaire CFC». Pour les élèves disposant de bons ou très bons résultats scolaires, l’option est proposée de suivre l’école de maturité professionnelle (en parallèle ou après la formation scolaire de base) avec la qualification supplémentaire « maturité professionnelle ».
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Source du texte: Antonio Suárez
Source de l'image: Annette Boutellier
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