Lkw-piles à combustible
Des piles à combustible sont déjà utilisées aujourd’hui dans les semi-remorques et autres véhicules utilitaires. À l’avenir, les systèmes de piles à combustible très performants du EH Group pourraient être utilisés dans des engins de construction, des bateaux ou même des avions. Photo: Shutterstock

Les voitures et les camions sont déjà équipés de moteurs à hydrogène avec des piles à combustible. L’application de cette forme de production d’électricité pour des machines de chantier, des bateaux ou des avions à propulsion électrique nécessiterait des piles à combustible à la fois très puissantes et légères. Une entreprise romande travaille sur une solution innovante en collaboration avec l’École polytechnique fédérale de Lausanne (sur le site de Sion/VS).


Auteur: Benedikt Vogel, sur mandat de l’Office fédéral de l’énergie (OFEN)

Photos: mis à disposition


La Hyundai Nexo et la Toyota Mirai sont actuellement les deux véhicules à hydrogène fabriqués en série. Leurs moteurs électriques sont alimentés par de l’électricité produite par des piles à combustible d’une puissance d’un peu plus de 100 kilowatts. Certains constructeurs de camions et de bus ont également lancé différents véhicules électriques dans lesquels l’électricité pour les moteurs est générée par «combustion froide», c’est-à-dire par la conversion directe de l’hydrogène dans une pile à combustible. Même si les véhicules électriques à batterie sont beaucoup plus répandus aujourd’hui, il existe des applications pour lesquelles les véhicules à hydrogène représentent une alternative intéressante, car l’hydrogène comprimé permet de stocker de grandes quantités d’énergie.

«Les piles à combustible sont déjà utilisées dans de nombreuses applications mobiles, mais le potentiel d’amélioration est encore présent. Nous travaillons sur des piles à combustible de grande puissance, jusqu’à un mégawatt, légères, compactes et robustes et, par conséquent, utilisables dans des véhicules de chantier, des bateaux et des avions», explique Mardit Matian, directeur de l’entreprise EH Group Engineering à Nyon (VD).

L’ingénieur a fondé sa propre entreprise, EH Group, en 2017, celle-ci compte aujourd’hui 18 collaborateurs et livre des prototypes à ses premiers clients. En 2022, la jeune entreprise a présenté le concept d’un système de piles à combustible (voir encadré 1) d’une puissance de 250 kilowatts. Depuis, ce système est devenu un prototype soutenu par un projet de recherche de l’OFEN.

Piles à combustibles avec cellules PEM moins épaisses

Pour comprendre l’innovation de la start-up romande, il suffit jeter un coup d’œil à l’intérieur d’une pile à combustible dite PEM, telle qu’elle est utilisée aujourd’hui, de préférence pour des applications mobiles. PEM signifie «Proton Exchange Membrane», membrane échangeuse de protons en français. La membrane qui donne son nom à la pile à combustible PEM est la pièce maîtresse: elle maintient les deux gaz, l’hydrogène et l’oxygène, à l’écart l’un de l’autre, mais elle est perméable aux ions d’hydrogène (protons) qui se forment lorsque les molécules d’hydrogène cèdent leurs électrons à l’anode.

Les protons se diffusent de l’anode vers la cathode à travers la membrane, tandis que les électrons circulent de l’extérieur vers la cathode via une charge (un moteur électrique dans les applications de mobilité). Sur la cathode, les protons et les électrons qui arrivent forment de l’eau par réaction avec l’oxygène alimenté.

Les deux réactions partielles requièrent une couche de catalyseur des deux côtés de la membrane, laquelle forme, avec la membrane, ledit assemblage membrane-électrodes (Membrane electrode assembly, MEA). Une couche de diffusion de gaz (Gas diffusion layer/GDL), qui contient une couche microporeuse (Microporous layer/MPL), est adjacente des deux côtés (voir fig. 01). Le projet de recherche de l’OFEN, intitulé EHSTACK-XL, s’est concentré sur les couches GDL et MPL. Dans une pile à combustible typique, ces deux couches ont une épaisseur de 180 à 400 micromètres. Au cours du projet EHSTACK-XL, cette épaisseur a été réduite à moins de 100 micromètres. Parallèlement, la diffusion de l’eau et des gaz à travers les couches MPL/GDL a été améliorée.


Principe d’une pile à combustible
Mode de fonctionnement d’une pile à combustible PEM: depuis la plaque bipolaire, l’hydrogène (H2) se diffuse à travers la couche de diffusion gazeuse vers le côté anode de la membrane recouverte d’un catalyseur. L’hydrogène y est oxydé: en cédant des électrons, il se forme des ions H+ (protons), lesquels migrent vers le côté cathodique via la membrane humide. Les électrons arrivent du côté de la cathode via un conducteur externe et forment un courant électrique. Du côté de la cathode, l’oxygène est réduit par les électrons et réagit avec les ions H+ de la membrane pour former de l’eau (H2O). La couche de diffusion gazeuse (GDL) est constituée de papier ou de tissu carbone et permet de répartir uniformément les milieux réactionnels sur les couches de catalyseurs, du côté anode comme du côté cathode. La GDL a une influence considérable sur le rendement d’une pile à combustible. La couche microporeuse (MPL), qui complète la couche de diffusion gazeuse, améliore la régulation de l’équilibre hydrique des électrodes. Graphique: RWTH Aachen/VDMA, rédigé par B. Vogel

Une pile unique

Pour atteindre ses objectifs dans ce projet, EH Group a pu compter sur le soutien de doctorants de l’EPFL du groupe de recherche Jan Van Herle. Ils ont développé deux types de couches MPL/GDL uniformes et étudié leurs propriétés microstructurelles en laboratoire. L’un des défis consistait à fabriquer les couches MPL/GDL de manière à ce qu’elles soient fiables et efficaces malgré leur faible épaisseur (voir encadré 2). En outre, des efforts ont été déployés pour produire les couches avec une surface active inhabituellement grande de 600 cm2. La surface est ainsi deux fois plus grande que dans les piles à combustible courantes.

Les piles à combustible de grande surface permettent de construire des piles particulièrement performantes. Les piles du groupe EH disposent de densités de puissance pouvant atteindre huit kilowatts par litre. L’entreprise est ainsi parvenue à construire un système de piles à combustible d’une puissance de 250 kilowatts avec une seule pile. Pour obtenir une performance aussi élevée, d’autres fabricants doivent connecter deux ou quatre piles ensemble. En revanche, une solution à un seul empilement est plus légère et plus compacte, notamment parce que les composants installés à côté de l’empilement dans la pile à combustible (balance-of-system) nécessitent moins de matériau. La performance de chaque cellule a été améliorée de 10 à 15% au cours du dernier projet.

Pile à combustible de 250 kilowatts du EH Group
Système de piles à combustible du EH Group d’une puissance de 250 kilowatts (prototype). L’appareil récemment conçu dispose d’environ 120 capteurs et actionneurs, dont des capteurs de pression, de température et d’humidité, qui servent à contrôler tous les composants du système en toute sécurité. Photo: EH Group

Une certification pour la navigation

Selon le EH Group, la nouvelle technologie des piles à combustible atteindra la maturité commerciale en 2025. Plusieurs étapes intermédiaires ont été franchies jusqu’à présent pour atteindre cet objectif: le concept a été testé pour de petites piles d’une puissance pouvant atteindre15 kilowatts. Des expériences en laboratoire ont permis d’obtenir de bonnes performances dans différentes conditions de fonctionnement. Une pile de 250 kW a été construite en tant que prototype.

De nombreux développements technologiques commencent à l’échelle du laboratoire, laquelle doit ensuite être adaptée pour atteindre la taille d’un système commercial de piles à combustible. Une fois le processus de développement terminé, la pile à combustible du EH Group devrait être produite de manière entièrement automatisée sur le site de Nyon, probablement à partir de fin 2025. Dans un premier temps, il est prévu de fabriquer des systèmes de piles à combustible d’une puissance de 250 kW. De grands systèmes de 500 kW et 1 000 kW pour les applications dans les centres de données et pour les bateaux et les avions à propulsion électrique devraient suivre.


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Un empilement de piles à combustible

Une pile à combustible transforme l’énergie chimique stockée dans l’hydrogène en électricité, ce qui produit en outre de la chaleur et de l’eau. Pour l’application pratique, plusieurs dizaines ou plusieurs centaines de piles à combustible sont empilées (stack en anglais) et raccordées en série. Un système de piles à combustible opérationnel se compose d’un ou de plusieurs empilements ainsi que, en règle générale, de quatre sous-modules: le premier est un système d’alimentation en hydrogène qui alimente la pile en hydrogène à un débit et une pression appropriés.

Le deuxième est un système d’alimentation en air, indispensable pour le fonctionnement sûr et efficace des piles à combustible PEM. Le troisième est un système de gestion de la chaleur qui garantit l’humidification de la membrane polymère et le bon état du catalyseur, et le quatrième un système d’alimentation électrique qui connecte ou déconnecte l’empilement de piles à combustible de la charge.

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Expertise en sciences des matériaux

La fabrication des couches MPL/GDL pour les piles à combustible nécessite des connaissances détaillées en sciences des matériaux. La couche GDL (Gas Diffusion Layer) se compose d’un mélange de plastique PTFE (polytétrafluoroéthylène) et de particules de carbone (suie). Dans le projet de recherche EHSTACK-XL, la microstructure et la surface de la couche GDL développée ont notamment été analysées par microscopie électronique à balayage. Des propriétés telles que la conductivité électrique, l’épaisseur et la porosité ont également été mesurées.

Pour fabriquer la couche microporeuse (MPL), on utilise une solution contenant du PTFE et de la poudre de carbone, puis on la mélange intensivement pendant plusieurs heures. La pâte de carbone est appliquée à l’aide d’une machine de sérigraphie sur un substrat de carbone qui forme la couche GDL, puis séchée thermiquement à 380°C pour former la microstructure MPL.

Les couches MPL/GDL améliorées contribuent à la construction de piles à combustible plus performantes avec un volume plus compact.

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