Entretien avec Thomas Dessarzin

Le parcours passionnant du premier romand à être à la tête de Laufen Schweiz

Thomas Dessarzin occupe depuis peu le poste de Managing Director de Laufen Schweiz AG. Il figure parmi les personnes très en vue dans le domaine d’activité de l’installation sanitaire. Son parcours mérite d’être connu et peut faire rêver de nombreux jeunes et les amener à réfléchir sur les débouchés auxquels peut mener un apprentissage. Son évolution professionnelle contredit parfaitement certaines fausses idées solides que l’on se fait à ce sujet.


Interview : Pierre Schoeffel
Photos : Sascha Jeger


Vous êtes une personne bien connue parmi les professionnels de l’installation sanitaire. Mais tout un chacun n’a pas forcément idée de votre parcours professionnel. Pouvez-vous nous en présenter les grandes étapes ?

– Oui avec plaisir. En guise d’introduction, on peut dire que j’ai un parcours quelque peu atypique. À première vue, je n’étais pas forcément prédestiné à reprendre la direction d’une entreprise telle que Laufen. De plus, je suis le premier romand à accéder à ce poste et à vrai dire, j’en suis fier.
Je suis né dans le Jura, j’ai donc grandi dans la région de Delémont.[CR1] 

 

Peut-on déduire de votre remarque que vous vous destiniez à une autre activité ?

– Mon rêve d’enfant était qu’un jour je puisse faire carrière dans le sport. Il s’agit d’un rêve qui n’est pas passé à la réalité et qui ne s’est donc pas matérialisé.

En ce qui concerne ma formation initiale, j’ai opté pour un apprentissage au sein d’un grossiste renommé. J’ai pris beaucoup de plaisir à suivre cet apprentissage qui s’est conclu par un certificat de logisticien CFC. Il s’agit d’un excellent souvenir, je me suis senti très bien dans cette entreprise. Je considère que j’ai eu beaucoup de chance de pouvoir y rester à l’issue de ma formation. J’ai notamment eu la possibilité d’évoluer et d’acquérir de nouvelles compétences puisque je me suis formé à la vente et aux achats.

Et dans le cadre de ce que j’appelle aujourd’hui un heureux concours de circonstances, j’ai pu accéder au domaine du sanitaire. Mon parcours professionnel dans le sanitaire a débuté ainsi.

 

Indépendamment de la carrière sportive qui aurait pu être la vôtre, vous semblez avoir des prédispositions pour des activités d’endurance ?

– J’ai exercé 12 ans d’activité dans cette entreprise auxquels il faut ajouter les 3 ans d’apprentissage. 15 années durant lesquelles j’ai eu l’occasion de me construire et d’apprendre le métier, d’observer, de mettre beaucoup de choses en pratique, en terminant au poste de responsable du secteur sanitaire dans une filiale de Suisse romande. Puis j’ai pris la décision de me réorienter. J’ai eu la chance de pouvoir être engagé par l’ancienne société Similor AG, aujourd’hui Laufen Schweiz AG.

 

Je reprends volontiers votre mot : on dit que la chance sourit aux audacieux, vous en faites partie…

– Oui, je considère qu’il s’agit d’un moment charnière et le mot « chance » n’est pas usurpé. La société Similor AG de l’époque était à la recherche d’un représentant pour la robinetterie, ou d’un conseiller technique si vous préférez. Lors des discussions d’embauche que j’ai menées avec celui qui allait devenir mon futur chef, je lui avais suggéré que je pourrais peut-être aussi prendre en charge la représentation de Laufen. Cette idée coulait de source, car les deux sociétés sœurs travaillent en étroite collaboration. Et figurez-vous, quand j’ai commencé mes activités chez Similor, le 2 août 2011, on m’a confirmé que j’allais être représentant pour l’ensemble des portefeuilles.

 

Cette date est manifestement inscrite en gros caractères dans votre mémoire. De plus, votre double-activité « robinetterie et céramique » vous confère un rôle de véritable précurseur.

– La date est effectivement très importante et vous constatez qu’en toute simplicité, ça fait quelques années maintenant que je travaille au sein de l’entreprise (grand sourire). J’ai été engagé pour le Jura, pour le Canton de Neuchâtel et pour le Canton de Fribourg. Durant ce temps, mes activités m’ont permis d’établir de nombreux contacts et d’être en première ligne pour comprendre les besoins de notre clientèle.
Quant à ma double-activité j’ai pour ainsi dire été actif sur deux fronts et j’ai donc eu l’occasion de proposer des solutions « tout en un ». J’ai expérimenté sur le terrain quels en sont les avantages. Par ailleurs, j’ai eu la possibilité de me développer en suivant plusieurs formations du soir, entre autres, une formation de chef de ventes.

 

Ce poste était un tremplin qui vous a mené loin, n’est-ce pas ?

– En effet, de fil en aiguille, j’ai pu prendre la responsabilité de l’ensemble de la Suisse romande.

C’était en 2018. Puis tout s’est accéléré. En 2019, j’ai repris la direction des ventes de Rolf Schmidt, qui s’est dès lors concentré sur le marketing. L’occasion m’a été donnée de prendre la responsabilité de l’ensemble de la vente. Donc, j’ai été nommé Directeur des Ventes Suisse.

Et en 2020, s’est ajoutée la responsabilité du service après-vente. En 2021, j’ai repris la vente interne. L’année 2022 s’est passée sans changement.

Puis en 2023, j’ai repris la direction de notre entreprise.

 

Entre 2019 et 2023 vous avez eu l’occasion de mener à bien des projets importants

– Cette période était vraiment passionnante parce que nous avons effectué des réorientations stratégiques. D’une part, nous avons préparé la fusion de Keramik Laufen AG et de Similor AG pour créer Laufen Schweiz AG, d’autre part, nous avons mis en place un nouveau call center pour renforcer nos activités de conseil et de support pour nos clients.
Pour que le service de vente interne soit très fort, il doit précisément pouvoir se concentrer sur la vente et sur les processus de vente. Par conséquent, nous avions décidé de transférer les activités de conseil et de support technique dans le département service après-vente qui de ce fait a pris une toute nouvelle dimension. Aujourd’hui, nous sommes nettement plus proactifs et nous développons fortement nos activités de conseil et de support pour nos clients.

 

Et donc depuis juillet 2023 vous avez endossé de nouvelles responsabilités.

– En fait, le groupe Roca s’est réorienté en créant des centres de compétences. Mon prédécesseur, notre ancien directeur, Klaus Schneider, a pris la direction d’un très important centre de compétences. Il dirige désormais le centre de compétences Robinetterie, ceci pour l’ensemble du groupe Roca.

 

Tout cela s’est réalisé dans le cadre de très gros changements, voire de bouleversements au sein de l’entreprise et également dans le déroulement de votre carrière ?

– Oui et non. Beaucoup de choses ont bougé, mais dans la continuité. Ce qui est fantastique, c’est que Klaus Schneider reste stationné en Suisse, à Laufen. Nos bureaux sont voisins. Vous comprenez ? Pratiquement tous les matins nous prenons un café ensemble et nous échangeons.
J’ai la chance de pouvoir compter sur lui et sur son expérience irremplaçable qui reste maintenue au service du Groupe. Il s’agit d’une situation que l’on peut qualifier d’idéale. Si j'ai besoin de conseils, sa porte est toujours ouverte.

 

Vous parliez de chance, il y a quelques minutes, nous y revoilà

– Effectivement. Que dire de plus ? Les dernières étapes se sont déroulées très rapidement. Il a fallu prendre des décisions vite et bien. Oui, j’avais envie de m’investir encore davantage dans l’entreprise. Oui, j’avais envie d’apporter de nouvelles idées. J’ajouterai que j’ai la chance de provenir de la vente (sourire malicieux).
Grâce à mon passé, je connais bien le marché, je sais où il va, je connais les tendances. Durant les dernières années, nous avons travaillé intensément sur une multitude de nouveautés et nous sommes vraiment fiers d’avoir pu les présenter à la Swissbau en début d’année.

 

 

Votre stand n’était d’ailleurs pas passé inaperçu, que faut-il en retenir ?

– Il y a beaucoup de choses à retenir parce que nous avons présenté beaucoup de nouveautés. Comme nous faisons partie d’un grand groupe, cela nous permet de travailler sur différents projets stratégiques.
Commençons donc par la robinetterie. Nous sommes établis depuis de nombreuses années dans cette activité, ce qui change c’est que nous introduisons la couleur. Pour cela, nous avons installé une station de traitement de surface PVD à Laufen. C’est vraiment très intéressant. Le premier réacteur a été installé en 2022, nous allons en mettre en service un deuxième au courant de l’année pour augmenter nos capacités de production.

 

Pourriez-vous préciser ce qu’est le traitement PVD ?

– Le processus de « Physical Vapor Deposition » (PVD) désigne un procédé de recouvrement de surfaces métalliques par une mince couche cristalline. Pour dire simple, cette couche est semblable à une couche de verre, elle est déposée sur une sous-couche métallique. Grâce au revêtement PVD, les robinets sont deux fois plus résistants aux rayures. De plus, les couleurs ne ternissent pas, même en cas d’exposition directe au soleil, et les surfaces sont dotées d’un effet anti-traces de doigts. Par ailleurs, la couche de couleur adhère au métal de façon atomique et est indissociable de la pièce de robinetterie. La surface conserve ainsi toute sa beauté dans la durée.

De plus, nous avons développé des structures sur la robinetterie.

 

La demande de nouveaux coloris se porte-t-elle surtout sur la robinetterie de salle de bain ?

– Non, c’est également le cas pour les céramiques, les meubles, les accessoires, les robinets de cuisine et les robinets pour les lieux publics. Pour les robinets de cuisine, nous proposons désormais, outre différents coloris, des produits avec des structures. De plus, nous lançons sur le marché différents robinets multifonctions pour la cuisine. Ce sont des produits qui vous permettent d’avoir de l’eau froide, de l’eau filtrée, de l’eau gazeuse et de l’eau chaude.

 

Parmi les nouveaux projets menés à bien pour la salle de bain, quel est celui qui vous vient spontanément à l’esprit ?

– La nouvelle gamme qui s’appelle Meda. Il s’agit d’une série de céramiques, de meubles, de robinetterie mais aussi de baignoires. Peter Wirz a développé cette série avec nous. Nous en sommes très contents parce qu’elle couvre vraiment les différents besoins de la salle de bain pour la famille. Et ça, c’est aussi important. La famille est évolutive. Quand on a des enfants, on a aussi besoin de pouvoir garantir des espaces de rangement, on a besoin de confort et de solutions de qualité.
D’ailleurs, pour l’anecdote, Meda est la forme comprimée de l’expression allemande « Mehr da ». C’est parce que sur tous les points, nous en donnons plus.

 

Également à l’installateur sanitaire ?

– Rassurez-vous, oui, bien entendu ! Nous pensons beaucoup à la profession, raison pour laquelle nous lançons Ineo. Il s’agit de notre propre assortiment dans le domaine des installations sanitaires. Et là, nous couvrons vraiment tous les besoins, que ce soit pour l’habitation, que ce soit dans le domaine public. Il s’agit de systèmes d’installation simples à l’utilisation et sûrs. Ils permettent des économies de temps de main d’œuvre. Nous proposons même des éléments préfabriqués.

Tout cela a été rendu possible par le rachat en 2021 par le groupe Roca, de l’entreprise Sanit à Eisenberg en Allemagne. Nous travaillons intensivement sur le développement de ces nouveaux assortiments.

 

Le numérique vous concerne également. Quelle est votre approche ?

– Nous avons réalisé des démonstrations de douches digitales à Swissbau. Là aussi, nous souhaitions donner une nouvelle orientation au domaine de la douche. La gamme s’appelle My Spa. Elle est pensée pour apporter un confort et un bien être supplémentaires, en ajoutant une dimension émotionnelle grâce à des ambiances lumineuses. La lumière prend plus en plus de place dans le domaine de la salle de bain. Une lumière d’ambiance, une lumière de confort. C’est vraiment très intéressant. Il y a beaucoup de défis techniques. Nous travaillons sur ce projet depuis quatre ans. Nous avons présenté les prototypes qui vont être industrialisés dans les semaines à venir.

Quelles sont les missions auxquelles vous souhaitez vous attacher tout particulièrement ?

– Elles sont nombreuses, je vais vous citer en priorité la dimension humaine. La direction de notre entreprise en Suisse s’est rajeunie. Suite à des départs à la retraite, nous avons une nouvelle responsable marketing,  Sabine Schmidlin ainsi qu’un nouveau responsable de la logistique,  Thomas Falcone. Quant à Sebastian Schmidt, il m’a remplacé au 1er janvier en tant que chef de vente. Ces changements amènent une nouvelle dynamique dans l’entreprise.
Mon but est d’aller de l’avant avec eux, avec tous. Nous avons en outre dans le conseil de direction d’autres personnes d’expérience, que ce soit au niveau des ressources humaines, des finances et dans la production. Ils nous accompagnent, nous conseillent. Mais cette nouvelle génération a pour but de pérenniser l’entreprise. J’insiste, de pérenniser l’entreprise en Suisse aussi. Il faut quand même savoir qu’en Suisse, nous disposons de deux usines de production à Laufen. C’est important. Nous occupons environ 500 personnes en Suisse.

L’une de nos priorités, c’est de rester innovatif. Notre tâche, notre mission, c’est de pouvoir transmettre à la prochaine génération une entreprise qui aura su se développer. Cette mission n’est pas uniquement la mienne, mais de l’ensemble des collaboratrices et collaborateurs de l’entreprise.

 

À propos innovation, nous avons appris en fin d’année passée que Laufen a réalisé une première mondiale avec un four électrique ne générant aucune émission de CO2, installé en Autriche. Nous l’avions présenté dans notre flash-info en ligne, Domotech Hebdo. Vous allez également bénéficier de cette nouvelle technologie sur vos sites de production à Laufen ?

– Nous nous y préparons activement. Pour commencer, nous avons équipé les toits de nos deux usines de panneaux photovoltaïques. Il s’agit d’un projet qui a débuté en 2019, qui a été freiné par le corona et par des conflits géopolitiques. Depuis l’année passée, nous couvrons une partie importante de notre consommation d’électricité avec la production de nos panneaux photovoltaïques.

Dans ce contexte, nous étudions également différentes options pour notre usine en Suisse pour les années à venir. 

 

Il y a des avantages compétitifs substantiels à la clé

– Absolument et il faut en profiter. Cela représente un challenge immense. Malgré tout, il s’agit d’une autre technologie, d’autres manières de produire. Par conséquent, d’autres défis se présentent.

 

Pour conclure, pouvez-vous nous dévoiler quelle est la discipline sportive à laquelle vous souhaitiez vous consacrer quand vous étiez jeune ?

J’étais gardien de hockey sur glace mais sans suffisamment de talent pour en faire mon métier. Cela m’a permis de m’épanouir dans mon métier.

 

Nous remercions Thomas Dessarzin pour cette discussion très ouverte et spontanée. Même s’il a remplacé l’impressionnante tenue sportive par une tenue « chemise-cravate », il n’en reste pas moins que durant tout son parcours, il a su mettre ses qualités de gardien de hockey en valeur. Pour être brefs, nous ne citerons que la vision et l’anticipation, une grande confiance en soi, une bonne réactivité et des facultés de communication avec les coéquipiers pour coordonner la défense. Depuis, il a également développé des qualités offensives. Aujourd’hui il est le gardien mais surtout le meneur de jeu d’une nombreuse équipe.

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